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Post Scriptum

Après lecture de l’éditorial,  une amie psychanalyste brésilienne, Eugenia Teresa Coreia , de langue portugaise, me fait remarquer  » que le sel, se dissout facilement, contrairement à d’autres matières  qui font les sculptures » – à entendre avec le chuintement léger du portugais si sensuel, si particulier….Eugenia chante aussi, et dit des poésies…qui donnent le frisson…. Elle me demande aussi pourquoi « filages ».

Alors voilà, chère Eugenia  : le sel se dissout facilement dans l’eau, la mélancolie moins, les larmes , fussent-elles salées, n’y font pas grand’chose. Le dégel de la mélancolie – lorsqu’elle s’ouvre en larmes – ne liquide nullement la statue, ni  le désastre  qui est commémoré en elle.

Filage a à voir avec l’action de créer des fils à partir de matériaux informes et compacts, comme le cocon du ver à soie. Ce matériau,  en l’occurrence,  c’est la douleur de toutes les destructions et désastres collectifs/individuels  qui ont ruiné une vie, puis une autre – jusqu’à laisser des déserts arides dans le cœur de certains humains, des strates de feu incandescentes prêtes à se consumer en haines , ou à les consumer eux-mêmes, pour d’autres.  Cette douleur est autre chose que la souffrance vivace  – humaine – de la séparation, celle du manque vivant et actif que l’on fait, ensemble, chanter, vibrer, dans nos vies – celle qui permet  chants et contre-chants  des rencontres humaines, et leur partition concertante toujours renouvelée de génération en génération.

La douleur des désastres ne se dissout pas dans les joies de la vie, comme le sel dans l’eau. Lorsqu’elle existe, elle continue , clivée, même au sein de jours plutôt heureux,  son travail de sape..de toute métaphore existante…Elle ne peut, et c’est la seule chance d’une métamorphose, de telles douleurs en souci appartenant au monde,  qu’être patiemment filée, transmise à travers des œuvres humaines .  De telles œuvres portent une force – véritable.

Et puis, chère Eugenia, – plus léger – un filage est au théâtre une sorte d’avant première déjà en costume où la règle est d’avancer coûte que coûte, même s’il y a des ratés, même si on se casse la gueule. On enchaine. Cela n’a pas à être parfait, mais doit absolument être fait, prendre la suite, passant outre défauts et maladresses. L’essentiel est le mouvement vers l’avant, de maintenir la tension du mouvement, l’essentiel n’est pas le regard d’un supposé spectateur.

Voilà donc le pourquoi du titre « filages ».

A bientôt

e.t.

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6 réflexions sur “Post Scriptum

  1. claudia camarena de obeso dit :

    Votre idée, « l’inconscient source de création » m’est si familière que je conçois l’analyse comme une ouvre de sculpture où l’analysant, bloque de marbre unique, est l’artiste de lui même.

    • « bloque de marbre unique » – vous dites – en effet, s’il reste seul en piste, l’analysant, lorsqu’il va rencontrer un analyste, il est bien à craindre qu’il ne se « bloque » dans le bloc pour lequel il s’éprend/se prend et dont il est question de l’aider à s’extraire – mais bien sûr je vous remercie pour votre écho, même si j’y mettrais, en bémol, que nul ne peut être « artiste de soi-même » – ni « artiste d’un autre qui serait son œuvre » – et que l’espace de l’analyse est une co-création.

      • claudia camarena de obeso dit :

        Je évoque la notion de « création de soi même » à fin de permettre à l’analysant d’envisager un sujet qui ne serait uniquement l’œuvre des traumas subis, mais une œuvre qui avec la histoire du sujet se construit

  2. bourrelly dit :

    Bonjour,
    J’aime bien aussi l’idée d’une filiation et d’un lignage qui créeraient un filage. c’est très freudien, voir le texte sur le « Ca ». Merci Eva de partager votre pensée afin de continuer de créer, d’inventer la clinique psychanalytique.
    A bientôt vous lire…
    AM-Augustina bourrelly

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